Qu’est-ce que le syndrome de l’intestin irritable?
En bref
Le syndrome de l'intestin irritable (SII), couramment appelé « côlon irritable », est un trouble digestif qui a beaucoup attiré l’attention ces dernières années. Il se manifeste par des douleurs abdominales récurrentes, des ballonnements et des perturbations dans la fréquence et la consistance des selles. Ce trouble, bien qu’il n’entraine pas de dommages physiques à l’intestin, peut avoir des répercussions considérables sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent, affectant à la fois leur bien-être physique et émotionnel. Dans cet article, nous explorerons en détail le monde complexe du SII, pour mieux comprendre cette condition très répandue.
Prévalence
Les statistiques indiquent qu'environ 15 à 20% des Canadiens et Canadiennes sont affectés par le syndrome de l'intestin irritable, tandis que la prévalence mondiale est estimée à 11%. Un nombre considérable de cas seraient non diagnostiqués.
Symptômes
Le syndrome de l'intestin irritable (SII) peut engendrer une gamme variée de symptômes physiques, qui sont souvent désagréables, douloureux ou embarrassants pour ceux et celles qui en souffrent. Ces symptômes peuvent inclure :
• Douleur et inconfort abdominaux.
• Diarrhée.
• Constipation.
• Fréquence anormale des selles (moins de 3 fois par semaine ou plus de 3 fois par jour).
• Ballonnements, gaz et distension abdominale fréquents.
• Crampes abdominales.
• Mucus dans les selles.
• Impression de ne pas avoir complètement vidé les intestins après la défécation.
• Sentiment d'urgence avant d'aller à la selle.
• Perte de contrôle des intestins (incontinence).
La sévérité et la nature de ces symptômes peuvent varier considérablement d'une personne à l'autre et au fil du temps. Pour mieux classifier les individus atteints, quatre sous-types du syndrome de l'intestin irritable ont été développés. Ces sous-types se basent sur l’habitude intestinale qui prédomine chez la personne concernée.
Sous-types du syndrome de l’intestin irritable
SII-D : Diarrhée prédominante
Plus de 25% des selles sont liquides ou très molles et moins de 25% sont dures. La vitesse des aliments dans l’intestin est rapide, ce qui laisse peu de temps au côlon pour réabsorber l'eau, entraînant des selles plus liquides. Ce sous-type peut être accompagné d'un sentiment d'urgence à évacuer les selles et d’incontinence.
SII-C : Constipation prédominante
Il y a présence de douleurs abdominales récurrentes associées à la défécation, une réduction de la fréquence des selles ou des selles dures plus de 75% du temps. La vitesse des aliments dans l'intestin est lente, ce qui permet une réabsorption importante de l'eau par le côlon, rendant les selles plus dures et difficiles à évacuer.
SII-M : Mixte
Il y a présence de diarrhée et constipation en alternance (mixte) plus de 50% du temps.
SII-U : Non classifiable
Ce sous-type concerne les personnes qui répondent aux critères de diagnostic du syndrome de l'intestin irritable, mais dont les habitudes intestinales ne correspondent à aucun des trois sous-types décrits ci-dessus.
Dépistage et diagnostic
Il est important de ne pas s’autodiagnostiquer. Suite à l'apparition de symptômes digestifs, il est recommandé de consulter un médecin afin d'écarter la possibilité de maladies plus graves. Le diagnostic du syndrome de l'intestin irritable repose principalement sur une évaluation des symptômes et l’exclusion d’autres conditions, car il n'existe actuellement aucun test ou marqueur spécifique pour cette condition.
Afin d'établir un diagnostic fiable, le médecin prend en compte l'histoire médicale du patient et peut réaliser divers tests et examens pour exclure d'autres maladies ou conditions susceptibles de provoquer des symptômes similaires, comme par exemple la maladie cœliaque.
Si le médecin exclut la présence d'autres maladies, il peut alors poser un diagnostic de syndrome de l'intestin irritable si les symptômes correspondent aux critères de Rome IV.
Critères de Rome IV
Présence de douleurs abdominales récurrentes pendant au moins un jour par semaine (en moyenne) au cours des trois derniers mois, associées à au moins deux des éléments suivants :
• Les douleurs sont liées à la défécation.
• Les douleurs sont associées à une modification de la fréquence des selles.
• Les douleurs sont associées à un changement de forme (consistance) des selles.
L’apparition des symptômes doit dater d’au moins six mois avant le diagnostic.
Certaines caractéristiques spécifiques nécessitent une attention immédiate et ne doivent pas être négligées, car elles pourraient indiquer la présence d'une maladie plus grave que le SII. Ces caractéristiques incluent notamment :
• Présence de sang dans les selles
• Anémie
• Perte de poids involontaire
• Fièvre
• Diarrhée quotidienne
• Antécédents familiaux de maladies intestinales, tels que la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse ou le cancer colorectal
Si vous présentez l'une de ces caractéristiques, consultez rapidement un médecin afin d'écarter d'autres problèmes de santé potentiels.
Qu’est-ce qui cause les symptômes?
Les mécanismes exacts à l’origine des symptômes du syndrome de l'intestin irritable demeurent un domaine de recherche très actif. Plusieurs éléments semblent jouer un rôle dans cette condition complexe. Voici une explication simplifiée de ces mécanismes :
Dysfonctionnement de la communication cerveau-intestin
Une communication inadéquate entre le cerveau et l'intestin semble être au cœur de la condition. Cette altération peut entraîner des symptômes en réponse au stress et à l'anxiété. En d'autres termes, le cerveau et l’intestin ne communiquent pas de manière optimale, ce qui peut amplifier la perception de la douleur et des symptômes digestifs.
Altération de la motilité intestinale
La motilité intestinale, qui désigne la vitesse à laquelle les aliments se déplacent dans le système digestif, peut être perturbée chez les personnes atteintes de SII. Cela peut entraîner des variations dans la fréquence et la consistance des selles. Par exemple, une motilité accrue peut provoquer de la diarrhée, tandis qu'une motilité réduite peut entraîner de la constipation.
Sensibilité intestinale accrue
Les personnes atteintes du SII semblent avoir une sensibilité intestinale accrue, ce qui signifie que leur cerveau interprète de manière exacerbée les signaux provenant des nerfs intestinaux. Par exemple, lorsque la paroi intestinale est étirée (comme par des gaz produits pendant la digestion), cela peut déclencher une réaction de douleur plus intense chez les personnes atteintes de SII.
« Déséquilibre » du microbiote intestinal
Le microbiote, soit l'ensemble des microorganismes (principalement des bactéries) vivant dans l'intestin, joue un rôle crucial dans la santé digestive. Les personnes atteintes de SII peuvent présenter un « déséquilibre » du microbiote intestinal. Cela peut entre autres influencer la façon dont les aliments sont digérés et absorbés, contribuant ainsi aux symptômes gastro-intestinaux.
Autres causes potentielles
Bien que les éléments précédents soient bien étudiés, d'autres facteurs, tels que l'inflammation intestinale et la perméabilité intestinale, pourraient également contribuer aux symptômes du SII. La recherche se poursuit pour mieux comprendre ces mécanismes.
En résumé, les symptômes du SII résulteraient de l'interaction complexe de ces différents déséquilibres de la fonction intestinale. Par exemple, les gaz produits par le microbiote pendant la digestion peuvent étirer la paroi intestinale, ce qui se traduit par une interprétation accrue de la douleur par le cerveau chez les personnes atteintes du SII. De plus, le stress et l'anxiété semblent influencer la motilité intestinale, affectant la vitesse de passage des aliments dans l'intestin et conduisant à des variations dans la fréquence et la consistance des selles. On voit souvent l’apparition d’un cercle vicieux où les symptômes digestifs engendrent du stress, qui exacerbe à son tour les symptômes, et ainsi de suite.
Causes et facteurs de risque
L'apparition du syndrome de l'intestin irritable serait le résultat d'une combinaison de facteurs physiologiques et psychosociaux, qui peuvent varier d'une personne à l'autre. Parmi ces causes potentielles figurent :
• Infections gastro-intestinales
Des infections telles que les intoxications alimentaires, la diarrhée du voyageur, les infections parasitaires et la gastro-entérite peuvent déclencher ou aggraver les symptômes du SII. Ces infections peuvent perturber l'équilibre du microbiote intestinal et déclencher des réponses immunitaires qui affectent la fonction intestinale.
• Antibiotiques et médicaments
La prise prolongée d'antibiotiques ou de certains médicaments peut perturber la flore intestinale, ce qui pourrait contribuer à l’apparition du SII.
• Antécédents de chirurgie intestinale
Des interventions chirurgicales antérieures impliquant l'intestin peuvent augmenter le risque de développer le SII.
• Fluctuations hormonales
Les fluctuations hormonales, en particulier chez les femmes, peuvent influencer les symptômes du SII.
• Stress, anxiété, dépression
Le système digestif étant étroitement lié au système nerveux, les facteurs psychosociaux, tels que le stress, l'anxiété, la dépression et la somatisation, peuvent jouer un rôle significatif dans l'apparition et la sévérité des symptômes du SII.
• SIBO (small intestine bacteria overgrowth)
Le SIBO est une augmentation anormale du nombre ou un changement du type de bactéries dans l'intestin grêle, qui peut provoquer des symptômes digestifs comme des ballonnements et gaz excessifs.
Certains facteurs semblent aussi accroître la probabilité de développer le syndrome de l'intestin irritable, notamment :
• Le sexe
Les femmes sont 1,5 fois plus susceptibles d'être touchées par le SII que les hommes. Les femmes atteintes du SII peuvent aussi avoir davantage de symptômes durant certaines phases de leur cycle menstruel.
• L'âge
Bien que le SII puisse affecter des individus de tous âges, il a souvent tendance à apparaître à l'adolescence ou au début de l'âge adulte.
• Antécédents familiaux
Avoir un parent souffrant du SII semble augmenter le risque de développer cette condition.
Conséquences et complications
Le syndrome de l'intestin irritable (SII) est généralement considéré comme une condition bénigne puisqu'il n'entraîne pas de dommages physiques à l’intestin ni d'inflammation intestinale, contrairement à d'autres troubles gastro-intestinaux plus graves. Sur le plan physique, il ne présente généralement pas de risques majeurs pour la santé. Cependant, il est crucial de ne pas minimiser les répercussions psychologiques qui peuvent être associées au SII, car elles peuvent parfois être très difficiles à supporter. Le SII est une condition chronique, persistant sur le long terme, et la nature, la fréquence et la gravité des symptômes peuvent fluctuer considérablement au fil du temps.
Le bien-être et la qualité de vie au quotidien sont souvent profondément affectés chez les individus atteints de SII. Ils rapportent fréquemment des sentiments de dépression, d'anxiété, de fatigue, et peuvent éviter les endroits dépourvus de toilettes ou les voyages prolongés. Les relations sociales, ainsi que les performances scolaires et professionnelles, peuvent également être affectées, car les personnes atteintes ont tendance à éviter les situations sociales et à s'absenter du travail lorsqu'elles souffrent de symptômes graves. De plus, étant donné que les problèmes intestinaux restent souvent un sujet tabou dans notre société, les personnes atteintes ont tendance à garder le silence vis-à-vis de leur entourage, ce qui les expose davantage au risque d'isolement social et de dépression.
Le syndrome de l'intestin irritable peut aussi affecter négativement la relation qu'une personne entretient avec la nourriture et son image corporelle. Les symptômes du SII, tels que les ballonnements, la distension abdominale, la diarrhée ou la constipation, peuvent entraîner une hausse de l’anxiété alimentaire, amenant à surveiller de près l’alimentation dans l'espoir de prévenir les inconforts intestinaux.
En réaction à ces défis, certaines personnes adoptent divers mécanismes pour mieux tolérer les symptômes, tels que la restriction alimentaire, l'utilisation de laxatifs ou d'autres médicaments, ou même l'isolement social pour normaliser leur fonction intestinale. Cependant, ces stratégies peuvent souvent être néfastes à long terme et ne constituent pas une solution durable.
En fin de compte, le SII peut également entraîner des coûts financiers significatifs en raison de la recherche de traitements visant à soulager les symptômes.
Traitement
Il est important de souligner que le SII n'est pas une condition à laquelle on doit se résigner. Bien qu’il n'existe pas de remède définitif ni de traitement universel pour le SII, il est tout à fait possible de réduire de manière significative les symptômes et de mettre en place une stratégie de gestion à long terme efficace. En effet, la recherche scientifique a établi l'efficacité de plusieurs traitements pour gérer efficacement les symptômes du SII.
Étant donné la diversité des causes et des symptômes du SII, il existe plusieurs approches de traitement, et la réponse à ces traitements peut varier considérablement d'une personne à l'autre. Il est essentiel d'adopter une approche personnalisée, en tenant compte de votre sous-type spécifique de SII (SII-D, SII-C, SII-M ou SII-U). Les recommandations initiales incluent souvent des modifications du mode de vie et de l'alimentation, notamment la réduction du stress, une alimentation équilibrée avec une quantité suffisante de fibres, ainsi que l'évitement d'aliments susceptibles de déclencher des symptômes.
Le régime faible en FODMAP, développé par des chercheurs de l'Université Monash en Australie, représente également une option ayant fait ses preuves. En effet, environ 75 % des personnes atteintes de SII observent une réduction de leurs symptômes grâce à ce régime, qui permet d'identifier les aliments déclencheurs de symptômes. Il est fortement recommandé de consulter un(e) diététiste-nutritionniste qui pourra vous guider dans cette démarche.
Si les changements de mode de vie et d'alimentation ne suffisent pas, divers traitements en vente libre ou prescrits par un médecin peuvent être envisagés, notamment :
Laxatifs : Ils peuvent aider à réguler la fréquence et la consistance des selles.
Probiotiques : Ces suppléments contiennent des microorganismes (bactéries, levures) bénéfiques pour la santé intestinale, qui peuvent contribuer à la santé du microbiote.
Capsules d'huile de menthe poivrée : L’huile de menthe poivrée peut soulager les douleurs abdominales et les ballonnements.
Suppléments de fibres : Le psyllium est une source de fibres solubles qui peut aider à réguler le transit intestinal et réduire les symptômes.
Enzymes alpha-galactosidases (ex. Beano®) : Utiles pour réduire les gaz et les ballonnements associés à la digestion de certains aliments.
Médicaments : Votre médecin peut prescrire des médicaments tels que des antispasmodiques, des analgésiques ou des antidépresseurs, en fonction de vos symptômes.
Dans certains cas, d’autres suppléments ou produits naturels peuvent également s'avérer utiles. De plus, la gestion du stress est un élément essentiel de la prise en charge du SII. Des pratiques telles que l'exercice physique, le yoga, la méditation, ainsi que diverses approches en psychothérapie, notamment la thérapie cognitivo-comportementale et l'hypnothérapie, peuvent jouer un rôle majeur dans la gestion du SII.
Les professionnels de la santé sont les mieux placés pour vous guider dans le choix des options thérapeutiques les plus appropriées en fonction de vos symptômes et de leur gravité.
À la suite de cette lecture, vous vous reconnaissez?
Le syndrome de l'intestin irritable (SII) est une condition qui peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie. Si, à la suite de cette lecture, vous vous identifiez à certains des symptômes évoqués, je vous encourage à prendre votre santé intestinale en main : La première étape consiste à consulter votre médecin, qui sera en mesure de réaliser les dépistages appropriés et, le cas échéant, d'établir un diagnostic de syndrome de l'intestin irritable.
Une fois le diagnostic établi, la gestion du SII peut nécessiter une approche multidisciplinaire pour traiter efficacement les symptômes et améliorer votre qualité de vie. Parmi les experts à consulter, il est fortement recommandé de faire appel à un(e) diététiste-nutritionniste. Ces spécialistes de la nutrition peuvent vous aider à identifier les aliments qui déclenchent des symptômes et vous accompagner dans l'amélioration de votre santé intestinale. Pour prendre rendez-vous avec moi pour une consultation nutritionnelle, je vous invite à visiter ma page Consultations.
Conclusion
Le syndrome de l'intestin irritable est un trouble complexe qui peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie. Bien qu'il n'existe pas de remède universel, de nombreuses options de traitement sont disponibles pour aider à gérer les symptômes. Il est essentiel de consulter un professionnel de la santé pour obtenir un diagnostic précis et d'envisager une approche multidisciplinaire pour prendre en charge les aspects à la fois physiques et émotionnels du SII. Vous serez ainsi en mesure de reprendre le contrôle de votre santé intestinale et d’améliorer votre qualité de vie.
Les informations contenues dans cet article sont uniquement fournies à titre informatif. Elles ne remplacent en aucun cas les conseils médicaux professionnels, le diagnostic ou le traitement médical. Les informations présentées ici ne doivent pas être utilisées pour établir un autodiagnostic ou pour remplacer les soins et les recommandations de votre médecin ou d'autres professionnels de la santé qualifiés. Si vous pensez être atteint(e) du syndrome de l'intestin irritable ou de toute autre condition médicale, il est impératif de consulter un médecin pour obtenir un diagnostic précis et des conseils médicaux appropriés. Les traitements et les recommandations médicales peuvent varier en fonction des caractéristiques individuelles.
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Par Clémence Cahill, diététiste-nutritionniste membre de l’ODNQ. Par l'entremise de Flore Nutrition, ma mission est d'aider les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritable à améliorer la gestion de leurs symptômes et leur qualité de vie.
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